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Le festival de Toronto suspend la projection de « Russians at War », un documentaire accusé d’être la voix du Kremlin

Témoignage unique ou insidieuse propagande russe ? Russians at War (Les Russes en guerre), un film documentaire de deux heures qui suit la vie de soldats russes combattant en Ukraine et qui leur donne la parole, suscite une vive polémique partout où il est projeté. Jeudi 12 septembre, le Festival international du film de Toronto a pris une mesure « sans précédent », consistant à « mettre en pause » toutes les projections du film de la réalisatrice russo-canadienne Anastasia Trofimova. « Cette décision a été prise afin d’assurer la sécurité de tous les invités, du personnel et des bénévoles », explique un communiqué du festival. Mais dimanche 15 septembre, la direction a toutefois annoncé reprogrammer le documentaire à destination du public pour deux séances organisées mardi 17 septembre.
Deux jours plus tôt, la chaîne éducative canadienne TVO, qui a coproduit le film, annonçait dans un communiqué ne plus vouloir soutenir ni diffuser Russians at War, après avoir « écouté la communauté ukrainienne canadienne et ses commentaires réfléchis et sincères ». Les voix critiques reprochent au film de présenter les soldats russes sous un jour favorable, tandis que le contexte et la souffrance des Ukrainiens sont occultés.
La polémique avait démarré à la Biennale cinéma de Venise, où le film était projeté hors compétition le 6 septembre. Parmi les voix discordantes figure celle du critique de cinéma russe exilé Anton Dolin, qui écrit sur sa page Facebook que le film « devrait faire l’objet non pas d’une critique, mais d’une enquête ». Une allusion à l’un des aspects les plus litigieux de Russians at War : ses conditions de tournage.
De son côté, Anastasia Trofimova clame que son film est « antiguerre » et qu’elle juge l’invasion russe en Ukraine « illégale et injustifiée ». Cette trentenaire aux longs cheveux noirs affirme avoir tourné pendant sept mois sur le front des soldats russes sans l’autorisation du ministère de la défense. Or l’état-major russe, qui place la guerre de l’information au cœur de sa doctrine militaire, ne tolère la présence de « journalistes » que très étroitement encadrés. Des points de contrôle sont installés sur toutes les voies d’accès au front et les identités sont soigneusement vérifiées.
Mais dans un entretien accordé au Monde depuis Toronto, Mme Trofimova affirme au contraire que « le front est une zone de chaos, loin des états-majors » et que, vêtue d’un uniforme militaire russe, elle n’a eu aucune peine à se cacher au sein de l’unité qui avait accepté sa présence. « Le commandant, lorsqu’il a découvert ma présence, m’a maudite mais a préféré regarder ailleurs plutôt que d’avertir le FSB [le tout-puissant service de sécurités russe], ce qui aurait pu lui attirer des problèmes. »
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